Monsieur Casse cou.

Cela faisait maintenant quelques semaines que j'étais en ville et mon deuxième endroit préféré après le bar de l'auberge, c'est l'hôpital. Il s'avère que malgré ma très grande force, il m'arrive de me blesser moi-même de temps en temps ou alors de fracasser quelques personnes que j'interpelle et de les mettre dans un sale état et parfois, comme aujourd'hui c'est les deux. Un petit dealer de drogue que je devais choper en ville, ne s'est pas trop laissé faire lors de son interpellation et j'ai découvert que j'avais moins de papier à faire quand j'y allais à main nue que quand j'utilise mon arme. Sauf que cet abruti a réussi à me mettre deux petits coups de couteau sur mon avant-bras et une belle entaille au niveau du visage.

En principe, je lui aurais mis une claque et le bonhomme aurait été assommé… Mais sur le coup de la colère, je lui ai mis un grand coup de pied façon Léonidas dans le film 300. Au niveau du sternum et en plus de lui fracturer cette partie du corps, il a traversé le mur en plâtre de son salon pour finir sa course dans la cuisine qui lui a probablement causé quelques bleus supplémentaires. Du fait de ses blessures et des miennes, nous avons été envoyés tous les deux à l'hôpital ou les médecins qui m'ont accueilli se disaient que ce n'était pas possible de me voir au minimum une fois par semaine… Probablement d'exaspération, ils m'ont fait poireauter pendant pas mal de temps avant de voir Docteur Juarez m'appeler pour qu'elle s'occupe de moi.

En plus d’être sacrément belle, elle était douée dans son boulot et à chaque fois que je viens c’est elle qui s’occupe de moi, sur le coup je me dis que c’est triste parce qu’elle passe tout son temps ici, mais d’un autre je me dis la même chose à mon sujet vu que je passe pas mal de temps dans les couloirs de cet hôpital.

-Salut doc.

Elle me dit bonjour et me pose quelques questions, l’une d’elle d’ailleurs me fait prendre un visage coupable et tout en pinçant les lèvres, je tente de jeter un coup d’oeil vers mon dealer menotté en train de supplier pour de la morphine tandis que les médecins étaient en train de placer le bandage autour de sa cage thoracique. Mon regard se pose de nouveau sur mon médecin et je retire mon pull pour qu’elle puisse voir mes deux coupures à mon avant-bras ainsi que sur mon visage.

-J'ai peut-être un peu abîmé l'autre gars, mais il m'a agressé au couteau vous voyez. Puis ça faisait longtemps que je ne vous avais pas vue doc, vous avez commencé à me manquer.

Dis-je en plaisantant en la laissant faire son travail.

Je discute quelques instants avec le docteur et je lui dis ce qu’il s’est passé avec l’autre gars et je minimise la chose en disant que je l’ai un peu amoché. Je la regarde tourner la tête vers l’autre type un peu plus loin et je peux voir à sa tête, qu’elle voudrait savoir pourquoi j’ai agi ainsi. Petit haussement d’épaule pour première réponse pendant que je la regarde terminer sa tablette avec son matériel.

-C’était pas prévu de base, c’est que l’effet d’une cause. Il a tenté de me poignarder, je l’ai envoyé valser. Cause et effet vous voyez.

Elle rapproche la tablette de moi et m'explique ce qu'elle va faire et pas où elle va commencer, elle anesthésie ma peau et commence à me recoudre. Je ne bronche pas et je la laisse faire, ça me rappelle un peu les souvenirs de Navy Seal où on devait recoudre les autres sur place avec le peu de matériel que nous avions. Le flash d'un vieux camarade qui venait de se prendre une balle dans le bras me revient en tête et la “maison” si on peut appeler cela ainsi où on lui a fait une petite intervention d'urgence pendant que nous nous faisions canarder. Le doc me sort de mes pensées lorsqu'elle me demande ce que j'aurais fait si ce n'était pas elle qui s'occupe de moi, je souris légèrement charmeur tout en étant honnête.

-Eh bien, je me serais fait recoudre quand même, mais je pense que j’aurai été beaucoup plus silencieux qu’avec vous. Sauf si ça vous embête que je parle dans ce cas, je pense que je me tairais.

Le doc me demande pourquoi je me bats, pas dans le “but” de la chose, mais la finalité. Par plaisir ? L’addiction à la violence ou encore à l’adrénaline ? Question compliqué à mes yeux pour être honnête, je ne cache pas les quelques secondes de blanc qui me permette de réfléchir à ses interrogations.

-Peut-être un peu tout ça au final. Une famille compliqués, une frangine qui avait le talent pour s'attirer des ennuis. Un grand frère… Je ne vous en parle même pas. Puis il y a moi, le deuxième enfant de la fratrie. Depuis toujours j'avais un problème pour gérer mon trop plein d'énergie et ma colère et la seule chose qui a réussi à me calmer paradoxalement c'est la guerre. J'ai passé dix ans en tant que Navy Seals, avant de quitter mon unité et de rejoindre la police, le service des stup' et mon talent c'est de bosser sous couverture. Avoir une fausse identité, vous voyez le genre.

J’ouvre mon oeil du côté où elle est en train de me recoudre et je croise son regard. Je décide de lui poser plus ou moins une question similaire.

-Et vous alors ? La médecine… Pourquoi ? Une ambition de sauver le monde ou le plus de gens possible ? Ou quelqu’un l’a imposé à vous ? J’ai vu des parents imposer leurs rêves à leurs enfants, donc je me questionne. Déformation professionnelle, ne vous sentez pas obligée de répondre.